S’il est bien amorcé aujourd’hui, le virage digital du secteur immobilier est encore récent, comme le rappelle Renaud Dalbera. Le président de la commission en charge de l’innovation au sein de l’UNIS (Union des Syndicats de l’immobilier) constate un tournant depuis le milieu des années 2010, à la fois demandé par les professionnels et leurs clients : « Les attentes portent sur l’amélioration de la communication et davantage de réactivité : nous avons besoin d’outils pour y répondre. »
De la visioconférence à l’exploitation des données
La crise sanitaire a accéléré la tendance, comme l’a démontré le recours massif à la visioconférence pour les assemblées générales de syndicats de copropriété : une disposition permise depuis 2019 seulement. Les transactions immobilières impliquent par ailleurs de plus en plus de visites virtuelles. « La digitalisation nous permet de gagner en efficacité dans la gestion des visites, mais les clients ont toujours besoin d’une visite physique de confirmation », nuance Renaud Dalbera.
En dehors des outils digitaux facilitateurs, l’autre révolution concerne l’exploitation de la donnée : « une mine d’or qui reste sous-exploitée ». D’un côté la data publique, par exemple les données démographiques et économiques d’un secteur géographique, qui permet de gagner en précision pour estimer les évolutions des prix du marché, immeuble par immeuble. De l’autre la data interne, comme les données de mutation (catégorie socioprofessionnelle, âge, situation maritale de l’acquéreur d’un bien), qui va aider le syndic de copropriété à proposer des services mieux adaptés, comme des solutions d’assurance.
Tous les pans de l’immobilier sont concernés
Cette impressionnante montée en puissance traverse l’ensemble des facettes du secteur immobilier. Ainsi, concevoir en 2022 un immeuble d’habitation ou de bureaux n’a plus grand-chose à voir avec les pratiques du passé. Parkings mutualisés, espaces partagés, autoconsommation énergétique… Le digital est essentiel pour répondre à ces nouveaux besoins de smart city, appelant des solutions ad hoc.
« . La Proptech, qui concerne toute la chaîne de valeur, du bureau d’études à l’agence de commercialisation, est un marché en fort développement : en 2012, on a enregistré 50 millions d’euros de levées de fonds sur le marché mondial, contre 5 milliards en 2020 » estime Michael Lalande, co-fondateur de The French PropTech, mouvement d’acteurs de la tech engagés dans l’amélioration de la ville
La transition vers l’innovation digitale, un défi majeur du secteur
Si la révolution digitale est bel et bien en marche, elle est loin d’être achevée, ne serait-ce que par les disparités de niveaux de maturité entre les acteurs. Renaud Dalbera illustre ce problème avec le BIM – le building information modeling, qui favorise le partage d’informations fiables et structurées tout au long de la vie d’un bâtiment : « Peu de professionnels sont formés ; Or, leur coordination est indispensable pour assurer un suivi de gestion rigoureux. Tout le monde doit parler le même langage. Il ne suffit pas de déployer des innovations technologiques, leur adoption est essentielle et implique une expérience utilisateur de qualité. »
Le représentant de l’UNIS évoque aussi l’importance de concevoir davantage d’outils pour faciliter la vie des professionnels sur le volet administratif et règlementaire, par exemple en automatisant la saisie de données comptables pour avoir plus de temps à consacrer au contrôle de gestion ou au conseil en analyse de contrat. Dernier défi majeur à relever à ses yeux : la problématique d’interopérabilité entre les logiciels métiers et de nouvelles modalités applicatives. Tout l’écosystème devrait pouvoir avoir le même niveau d’informations.
Des outils facilitateurs qui ne remplacent pas l’humain
Autant d’enjeux auxquels les progrès technologiques doivent aujourd’hui répondre. « Nous devons réussir à orienter l’innovation sur chaque besoin, comme les mandats de vente, la gestion locative ou le travail des syndicats, confirme Michael Lalande. La massification des données est utile sur tous les plans. Elle peut être au service de l’amélioration des services rendus aux professionnels comme à leurs partenaires et clients. » A titre d’exemple, en matière d’énergie, l’accès aux données par le digital peut faciliter la compréhension du comportement des occupants d’un immeuble, et ainsi permettre une diminution des consommations. Par ricochet, cette massification influe sur le pouvoir d’achat des foyers.
Une révolution importante a consisté à faire des clients finaux de réels acteurs de la transaction immobilière grâce à leur smartphone : « La première étape a consisté à outiller les agents immobiliers avec des logiciels de gestion et d’exploitation destinés à améliorer le service rendu. Aujourd’hui, les outils communiquent directement avec le client final, qu’il s’agisse de plateforme de diffusion d’annonces, de notifications en lien avec leur veille, ou encore de signature électronique du contrat de location dématérialisé. »
Pour autant, le digital n’est pas amené à remplacer le professionnel : « C’est un outil facilitateur qui ne remplacera jamais la relation de proximité entre les acteurs de l’immobilier et leurs interlocuteurs ».